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« Derrière chaque grand homme, il y a une femme qui n'a rien à se mettre. »

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MessageSujet: « Derrière chaque grand homme, il y a une femme qui n'a rien à se mettre. » « Derrière chaque grand homme, il y  a une femme qui n'a rien à se mettre. » EmptySam 12 Avr - 16:59

« Derrière chaque grand homme, il y a
une femme qui n'a rien à se mettre. »

Cette maison est prétentieuse. Quand même déjà juchée au cœur de l'Ouest de la ville, elle veut encore se distinguer. C'est d'abord la couleur fraîche des façades, trace d'une peinture qui se renouvelle à chaque année. C'est ensuite le foisonnement d'arbres et d'arbustes, aux fleurs éclatantes et aux espèces quelque peu exotiques. C'est aussi l'extension, là, sur la gauche, qui offre des dizaines de mètres-carré supplémentaires et qu'on ne retrouve dans aucune des bâtisses alentours. C'est surtout les deux voitures, sagement garées dans l'allée, polies, lustrées, et la porte en bois massif, une fiche couche d'un métal doré pour pallier au filigrane de son blindage. C'est enfin l'homme, au costume hors-de-prix, l'air d'un banquier, l'air d'être le banquier du Far West, qui grimpe sur le perron, la démarche souple et fière. C'est que cette maison appartient à Teddy, Theodore Riggs, et qu'il a fait qu'elle lui ressemble.
A l'intérieur, c'est moins d'étalage de richesses. Mais il y a ce qu'il faut d'objets d'Art et de futilité pour paraître raisonnablement fortuné. C'est épuré, quoi que bâti dans le bois brut. Teddy ne reçoit pas chez lui. C'est un endroit qu'il se réserve, et c'est encore un endroit qui le reflète d'autant mieux. De l'extérieur. De l'intérieur. C'est idem, et c'est là qu'il faut apercevoir comme la cuisine, le séjour et les chambres sont baignés d'une pénombre qui vacille au gré de la journée. Et la nuit, l'éclairage est intime, et pâle, et encore vacillant. Oui, toujours vacillant.

« Lisbeth ? » Il ne s'attend pas à ce qu'elle soit rentrée. C'est le milieu de l'après-midi, et la voiture n'est pas là. Elle est probablement occupée à dépenser son argent, comme il la conjure toujours de le faire. Elle sera là pour le dîner. Elle l'est toujours. Ça fait partie de l'arrangement. « Ora ? lance-t-il au téléphone. J'ai besoin que tu t'occupes en personne du virement habituel. » Elle ne discute pas. Elle ne pose pas de questions. Sa qualité d'exécution est telle que Theodore n'a plus qu'à raccrocher. Elle fera tout ce qu'il faut. Car ce que Theodore doit bien faire pour Lisbeth, Ora le lui doit bien à lui. C'est la chaîne d'une affection factice et pécuniaire. C'est une chaîne d'humains baignés dans l'argent. Incapables de vraiment sentir les choses, les uns pour les autres.

La fin d'après-midi dépensée a servi à l'élaboration d'un dîner, lui aussi prétentieux. Excessif. Comme ne le font que les hommes qui dissimulent de lourdes obscurités. Mais la table est dressée, et les plats fument sous leur cloche. D'aucuns diraient que c'en est trop, que c'est trop pour Clifton. Mais Teddy Riggs n'est pas de cet avis. Il s'imagine qu'il peut briser le rouage et faire jaillir comme quelque chose d'extraordinaire. Qui ne soit ni trivial, ni banal. Quelque chose qui soit de l'envergure qu'il s'imagine aussi. Il a de l'argent. Plus d'argent que nécessaire, et c'est cette fortune qu'il étale à l'excès. Tout s'achète. Tout se paie. Comme la femme qui referme la porte, là-bas, et que Teddy entend. « Le dîner est prêt, dit-il d'une voix charmante. » Elle sonne à peine superficielle, mais elle l'est. Car c'est un jeu brutal que cette comédie humaine et qu'il est incapable de l'interrompre. Il est trop-plein de ce personnage. Il est trop-plein de ce paysage tout bâti pour et par lui. Un homme. Une femme. Un couple idéal. Un couple parfait. Un couple creux. Pourtant, quand il accourt auprès d'elle, pour la débarrasser de veste et de sac, il feint encore. « C'était une belle journée, n'est-ce pas ? » C'est affreux, c'est stérile, ce théâtre malsain. Mais s'il plaît à celui qui produit, il doit plaire à celle qui joue, ce soir, comme tous les autres, sur la scène.

Theodore Riggs
Theodore Riggs
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MessageSujet: Re: « Derrière chaque grand homme, il y a une femme qui n'a rien à se mettre. » « Derrière chaque grand homme, il y  a une femme qui n'a rien à se mettre. » EmptyDim 13 Avr - 22:45
« Je pense que je vais les prendre. » Lâche la cliente, l'air songeur, en se regardant dans le miroir. C'est sûrement la huitième tenue qu'elle essaye, Lisbeth ne compte plus, et la responsable est toujours à ses côtés, patiente, à exaucer la moindre de ses volontés. D'un geste de la main, elle lui montre la suite de minuscule petits boutons à défaire dans son dos. La vendeuse s'exécute avec dextérité. « Je vous emballe lesquels ? » Demande-t-elle sur un ton faussement innocent, prête à la complimenter sur les vêtements essayés qu'elle n'aura pas décidé d'acheter. « Je prends tout. Avec le sac à main et la paire d'escarpin. » Dans tout Clifton, il n'y a probablement pas de cliente plus appréciée que Lisbeth Cavendish. Avoir grandi dans la pauvreté ne l'empêche pas, aujourd'hui, de dépenser des milliers de dollars en une seule après-midi. Elle a appris de Theodore que l'argent n'a pas de valeur lorsque l'on croule sous son poids et qu'il n'y a aucune honte à vouloir le dépenser excessivement pour des futilités. De toute manière, si Lisbeth ne le dépense pas, elle ne le donne pas non plus. Ni au clochard qui prend de la place sur le trottoir, ni à sa propre mère qu'elle laisse vivre dans son mobil-home délabré. Elle ne compte plus les billets, elle se contente simplement de tendre une de ses cartes de crédit, sans jamais vérifier ses comptes. On la remercie, lui tend ses paquets et la dépensière rejoint sa voiture tape-à-l'œil. Qui a besoin de conduire une voiture de sport quand il faut respecter les limitations de vitesse en ville ? Lisbeth Cavendish. Probablement pour ne jamais être en retard quand il faut rejoindre Monsieur Riggs. D'ailleurs, lorsqu'elle pousse la porte de l'immense bâtisse, c'est toujours lui qui vient l'accueillir pour la saluer sur ce même ton mielleux, toujours habillé dans un de ses magnifiques costumes. Theodore s'approche, Lisbeth le laisse la débarrasser, sans oublier de laisser une trace de rouge à lèvre sur le bord de ses lèvres. « Une journée parfaite. » Qu'elle précise, tout sourire. Elle n'a jamais eu de mal à respecter les règles de son drôle jeu, parfois un peu inquiétant.

Lisbeth prend place la première autour de cette table trop grande et laisse le plaisir à Teddy, comme elle l'appelle parfois, de soulever les cloches pour dévoiler le contenu des assiettes. Il s'applique toujours. « Ça a l'air délicieux. » Sauf que Lisbeth n'a pas faim. Les jolies filles comme Lisbeth ne veulent jamais manger, de toute manière. Mais elle goute au vin qui accompagne le plat puis le repose très vite pour mieux feinter l'exclamation. « J'ai pensé à toi aujourd'hui ! » La femme se relève et sans jamais quitter le regard de l'homme, elle déboutonne doucement son chemisier et fait glisser sa jupe jusqu'à ses pieds toujours chaussés pour lui dévoiler son ensemble en dentelle noire qui ne laisse pas de place à l'imagination. « C'est nouveau. » ajoute la jeune femme en poussant tout ce qui pourrait la gêner sur son passage. « J'espère que ça te plait. » Et elle s'installe là, sous ses yeux, entre son assiette et sa bouteille de vin. C'est la première fois que la courtisane se retrouve presque nue à table, sur la table. Lisbeth ne s'attend pas à de réaction particulière de la part de Theodore. Il pourrait rester là, à déguster ce qu'il a passé du temps à cuisiner ou même la réprimander. L'aguicheuse essaye seulement d'anticiper puis de réaliser les désirs de son propriétaire, si elle se trompe, elle s'adapte. C'est sa spécialité. C'est la comédie à laquelle elle a accepté de participer en échange de tout ce luxe, toutes ces choses dont elle rêvait et auxquelles elle s'est habituée. « Tu devrais manger avant que ça ne refroidisse, Theodore. »


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Lisbeth Cavendish
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MessageSujet: Re: « Derrière chaque grand homme, il y a une femme qui n'a rien à se mettre. » « Derrière chaque grand homme, il y  a une femme qui n'a rien à se mettre. » EmptyVen 16 Mai - 9:08
« C'est un vin hors de prix, goûte-t-il le sien, et tu y as à peine trempé les lèvres... » Pourtant, que lui importe le coût ; ce ne sont que ses sourcils froncés, et cet air blessé qu'il se donne ; ce n'est que de la voir franchir, même piétiner, la ligne et endosser un autre rôle qu'il n'a pas d'abord commandé. C'est ainsi qu'elle se conduit toujours et, cependant, cette soirée s'éclaire de quelque chose de plus particulier. Comme une grande mascarade - quelque chose qui déplaît à Teddy pour la bonne et simple raison qu'il ne le contrôle pas. Elle n'obéit en rien. Elle se dévêtit comme au bordel, quand bien même elle se tient dans sa salle à manger. Elle s'approche, comme sur le bord d'un trottoir, quand bien même elle se trouve dans l'une des maisons les plus luxueuses de la ville. Et elle s'installe, comme vautrée dans le stupre, tandis que son propriétaire ne voit qu'un acajou massif, importé depuis l'Europe. Et il ne reste que Theodore pour la contempler de la sorte, voyant, enfin, quoi que rarement, toute la prostitution qui s'est nichée chez une telle femme. C'est un peu elle, un peu de son naturel. Un peu de ce qu'elle est vraiment. C'est peut-être, alors, ce qui le retient de la gifler, ou de faire d'autres choses plus déplaisantes encore pour la chair et la peau. Ne sois pas triviale, pense-t-il lui dire d'abord. Mais c'est ses lèvres qu'il prend, redressé et contre elle. C'est ses cheveux qu'il empoigne, de ses doigts noués. C'est un peu de son âme qu'il tente d'avaler de la sorte, à lui ravir ce baiser. Car ce dîner n'a aucun sens, parce qu'il ne sert pas à manger. Pas vraiment. C'est simplement un accessoire, celui d'un jeu, qui conduit à peu près là où elle vient très justement de les précipiter.

Il passe la main sur les quelques centaines de dollars qui se disent des vêtements, et il la renverse un peu mieux sur la table. « C'est cela que tu veux ? souffle-t-il, de la bouche à la bouche. » Mais il n'est jamais question de ce qu'elle veut. C'est bien au-delà de cela. « Ou bien tu t'imagines que c'est cela que je veux ? » Et, maintenant, de la main à la cuisse. Et c'est l'intérieur qu'il pourchasse, de ses doigts empressés, et brutaux, qui ne font plus de manières. Il enrage, là, tout à l'intérieur de son être. Qu'elle soit si vulgaire. Qu'elle soit si belle, aussi. Et peu importe, d'ailleurs, car c'est égal. La volonté du maître dépend d'abord de la forme de l'esclave, et l'esclave est sublime. Et cette gorge l'est davantage quand il y place sa main, resserrée, disposée à l'étreinte. Et de l'attirer à lui pour l'embrasser encore. Sans plus de cérémonies, sans aucune romantisme. Aucune poésie ne filtre de cet échange brutal, qu'il redouble même de ses intentions toutes aux portes du ventre. « Te voilà satisfaite ? demande-t-il sans franchise. » Le bonheur de Lisbeth Cavendish est un détail qui ne le soucie pas, mais la façon qu'elle a de se préoccuper du sien le révolte, tout à coup. Comme chaque fois qu'il obtient ce qu'il est aisé d'obtenir. Comme chaque fois qu'il obtient la seule chose qu'elle peut véritablement lui donner. Alors de la rejeter, esseulée, sur cette table, et lui pour attraper son verre et s'éloigner un peu. Il fulmine, les lèvres vissées. Et son mécontentement ne trouve aucune source raisonnable. C'est tout ce qu'il veut qu'elle soit. C'est tout ce qu'elle est, et ce n'est pas encore assez. « Descends de là, dit-il d'un ton égal. Tout de suite. » Bien sûr qu'elle va s'exécuter, et bien sûr qu'elle va bientôt sourire. Dans quelques secondes seulement, elle sera différente et cette idée convainc Teddy d'ajouter aussitôt : « Nous allons simplement dîner, ordonne-t-il, Comme il était prévu. »

Theodore Riggs
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MessageSujet: Re: « Derrière chaque grand homme, il y a une femme qui n'a rien à se mettre. » « Derrière chaque grand homme, il y  a une femme qui n'a rien à se mettre. » EmptyVen 30 Mai - 0:50
Même s'il l'embrasse, Lisbeth voit bien à l'expression de son visage qu'il n'est pas satisfait de ses agissements. Là où d'autres hommes auraient simplement défait la boucle de leur ceinture, Theodore, lui, s'attache au bon déroulement de chaque acte de leur stupide comédie. L'homme raffiné, celui-là même qui se délecte des combats sanglants entre immigrés, méprise la vulgarité et pourtant, c'est au bordel qu'il est venu chercher la plus belle de ses acquisition. Tout l'argent qu'il pourra lui mettre entre les mains n'y changera rien, Lisbeth ne saura jamais apprécier l'originalité d'un vin, elle ne pourra que faire semblant. Semblant d'apprécier de le retrouver après une journée passée à dilapider son argent, semblant de supporter ce genre de réaction que Lisbeth trouve disproportionnée(CMB). Mais tout semble l'être chez Theodore Riggs ; sa maison, son compte en banque, ses loisirs, son ego. Mais Lisbeth n'est pas là pour juger, seulement pour divertir. Il passe les doigts sur la dentelle et elle s'étale un peu plus sur le bois. Il se montre menaçant, alors elle ne répond pas, comme si elle craignait de réagir. Pourtant, quand elle sent sa main remonter sa cuisse, elle fait cet effort pour lui faciliter l'accès. Mais non, ce n'est pas ce qu'elle veut. C'est ce que veut Theodore, dans l'absolu. Elle le sait, puisqu'il la désire, puisqu'il ne s'est toujours pas lassé de l'avoir à ses côtés. Seulement, pour y arriver, les choses ne doivent pas se dérouler de cette manière. Il n'en était qu'à la phase préliminaire des préliminaires quand Lisbeth s'est montrée trop impatiente. Cependant, la naissance et la richesse n'y changent rien, Riggs est fait de la même matière que tous les autres. Alors il s'abaisse à son niveau en la touchant et l'embrassant de la sorte, sans aucune once de délicatesse. Il n'est qu'un client de plus à satisfaire. Ni plus, ni moins.

Lisbeth est une poupée, elle laisse faire son propriétaire sans rien dire, sans agir. Aucune mimique de l'ordre du réflexe sur son visage malgré la gêne dûe à la main autour de sa nuque, sauf lorsqu'il finit par la repousser. Elle se redresse un peu quand il s'éloigne. Elle obéit quand il parle. Lisbeth récupère ses vêtements pour se rhabiller. Les couverts retrouvent leur place initiale et le verre de vin retrouve les mains de sa propriétaire déjà assise, la serviette posée sur ses cuisses. « Reviens t'asseoir, Teddy. » Elle sourit déjà, comme il l'avait prédit. Elle agit comme si rien n'avait eu lieu, comme si elle n'avait jamais quitté sa chaise, comme si Theodore avait quitté la sienne pour une raison quelconque. Avant qu'il ne la retrouve à table, la femme passe ses doigts dans ses cheveux qu'il a décoiffé, puis autour de ses lèvres pour effacer le rouge qui s'est étalé. La parenthèse entre les deux acteurs n'a jamais eu lieu. La scène peut enfin reprendre. Puisqu'ils sont là simplement pour dîner, alors ils dînent tout en échangeant des banalités sur la journée de l'un puis de l'autre. Lisbeth a la voix et le regard doux d'une femme qui aime l'homme qui se tient à ses côtés. Elle cherche à effacer toute trace de contrariété chez Teddy et elle espère y parvenir aussi facilement qu'elle réussit à se remettre dans le rôle de la parfaite compagne. « C'était délicieux. » Dit-elle en guise de remerciement pour ce repas. Les mets pouvaient être les plus exquis, Cavendish s'était forcée à tout apprécier. Mais au moins les assiettes étaient vides. Ils avaient dîné, comme prévu. « Et tu as prévu quelque chose pour ce soir ? » Demande la femme, sur un ton innocent qui plait tant à certains hommes, bien qu'elle se doute du déroulement des prochaines heures. Mais cette fois, Lisbeth ne prend pas le risque de prendre les devants. Tout se fera à la guise de l'homme capricieux.


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Lisbeth Cavendish
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MessageSujet: Re: « Derrière chaque grand homme, il y a une femme qui n'a rien à se mettre. » « Derrière chaque grand homme, il y  a une femme qui n'a rien à se mettre. » EmptyJeu 19 Juin - 21:34
Le pouvoir de cette femme est remarquable. Comme d'une agilité ténue, elle souffle tantôt le chaud, tantôt le froid, dans l'être de son possesseur. Elle obéit, en quelques sortes, elle exécute les volontés tacites, et, lui, bien sûr, s'en réjouit volontiers. Le calme s'insuffle et l'envahit, et va jusqu'à se rendre à la décontraction. Tout à coup, c'est le chaos qui est allé s'asseoir ailleurs. Il interrompt sa colère, si bien et si vite, qu'il demeure vide un long moment. Des secondes que Lisbeth emploie à retoucher son masque, son personnage, à redevenir tout ce qu'il veut qu'elle soit. Le manège est si coutumier qu'il en est un peu fade. Mais Theodore se satisfait de la mise en scène, car c'est quelque chose qu'il contrôle, quelque chose qu'il connaît, et sur lequel il peut totalement composé. « Reviens t'asseoir, Teddy. » Il est séduit, bien entendu, par les inflexions de la voix. Il ne songe pas un seul à instant à s'opposer au charme qu'elle met dans chacun de ses mots. Il est si acquis, si conquis. Ça ressemble à l'Amour. Ça n'en est pas. Parce qu'il revient s'asseoir, certain de la vaincre désormais. Elle est une, et entière, et elle lui appartient. Alors ils se mettent à dîner, et conversent d'innombrables banalités. Rien ne les intéresse. Tout les concerne. Lisbeth joue simplement son rôle à la perfection, complimentant le dîner, interrogeant sur le devenir de leur soirée. Comme s'il était le mâle, l'alpha, celui qui commande tout. Comme il lui sied de le croire, sait-elle pertinemment. Et, cependant, Teddy est contrarié, sans savoir de quoi, sans savoir comment. Quelque chose s'est fracassé en mille éclats, et certains parleraient de la magie. Une magie ridicule, naturellement artificielle et, de ce fait, proprement surfaite. Mais il tient, comme une gosse à ses contes de fées futiles. C'est un conte d'adultes, et c'est plus grave, alors. Néanmoins, de répondre, la voix lente et latente : « Mina passera, plus tard. Pour le travail, précise-t-il d'un accent délétère. » S'il avait planifié quoi que ce soit, il y a intimement renoncé. Comme s'il pouvait la punir. Comme s'il importait à Lisbeth que l'activité B puisse remplacer la A, ou bien inversement. Tout ça n'a aucune importance, quand même Theodore s'acharne à bouleverser leur ordre. Sa sœur ne devait être qu'un détail, vaguement expédié, pour les besoins de l'organisation de leurs affaires. A présent, il croit s'en servir contre la prostituée qui lui tient lieu d'épouse. Il sait bien, pourtant, que ça n'heurte rien de cette femme, mais il poursuit, comme mu par une bêtise puérile. « Tu trouveras certainement une occupation triviale, tout ce temps. » En-dedans, il est calme, mais la fierté s'y rompt quand même, contre les côtes. Il n'a plus d'appétit – s'il en a seulement eu. La punir. Seulement la punir. L'idée l'obsède déjà, comme la forme de sa bouche, comme la courbe de ses seins. Comme toutes les choses dont l'homme s'éprend, stupidement, fébrilement. Comme un poète médiocre, que Teddy veut bien mépriser tout en s'y fondant complètement. C'est trop tard. C'est déjà trop tard quand il dit : « A moins que les conversations de grandes personnes aient pris de l'intérêt pour toi, bien entendu. » Métier contre métier, il l'emporte. Et c'est facile, d'ailleurs. Et tout cela, aussi, sans soupçonner la haine séduite de Mina pour Lisbeth. Il n'y pense qu'à peine tant sa sœur fait la publicité de son horreur. Alors pourquoi diable ajouter que : « Mina pensait te voir, ce soir, mais je pourrais lui dire que tu es trop indisposée par d'incessants habillages et déshabillages... » Lui donner le choix sans le faire. Feindre, comme toujours. Une habitude au grand charisme, qui exerce ses atours sur Teddy plus encore que tout corps féminin. Pour voir. Pour observer. Les effets. Et, tout ce temps, d'imaginer qu'il l'atteint, même un peu. Qu'elle agira avec excès. Qu'elle réagira, simplement. S'il est possible de scruter un pareil phénomène. Bien sûr que non. Elle fera tout comme il est écrit qu'elle le fera.

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MessageSujet: Re: « Derrière chaque grand homme, il y a une femme qui n'a rien à se mettre. » « Derrière chaque grand homme, il y  a une femme qui n'a rien à se mettre. » EmptyMar 1 Juil - 1:14
« Mina passera, plus tard. Pour le travail. » La femme qui espérait passer toute la soirée avec son amant affiche d'abord une moue boudeuse, mais savoir qu'elle pourra flâner seule dans la maison plait d'avantage à Lisbeth. Puis l'homme ajoute : « Tu trouveras certainement une occupation triviale, tout ce temps. » Et la femme comprend qu'il revient à cet autre jeu, peut-être celui qu'il préfère, celui de l'humiliation. Même s'ils s'appliquent à faire comme s'il n'y avait jamais eu de faux pas, Theodore n'oublie jamais rien et s'il peut s'en servir pour toucher, il n'oublie en aucun cas de le faire. Malheureusement pour lui et sa fierté, Lisbeth ne fait jamais l'effort de lui faire croire qu'il a enfin réussi à l'offenser. « Je trouverais, oui. » Répond-elle simplement, à croire que l'idée ne lui déplait pas. Lisbeth pose sa main sur la sienne. Le geste est affectueux et la caresse du bout des doigts, sûrement agréable. Ce qu'elle lui demande, tacitement, c'est de ne pas aller plus loin dans sa provocation. Mais Theodore ne saisit rien ou alors l'ignore volontairement, ce qui lui semble largement plus probable. Lisbeth ne démord pas et ce malgré la pique qu'il s'amuse à enfoncer un peu plus profond jusqu'à provoquer un réflexe qui pourrait trahir son agacement ou sa colère ou n'importe quel autre ressentiment humain qu'elle s'efforce constamment de réprimer. « A moins que les conversations de grandes personnes aient pris de l'intérêt pour toi, bien entendu. » Que peut-elle répondre à ce genre de provocation ? Rien, absolument rien. Lisbeth ne songe même à se défendre. Elle préfère rester muette. D'abord parce-qu'il n'a pas tort, parce-que ses discussions et son métier ne l'intéressent pas. Seulement l'argent qu'il peut en tirer et qui servira à remplir son propre compte en banque. A quoi pourrait bien lui servir de l'entendre utiliser de grands mots pour expliquer des idées vicieuses de criminel en col blanc ? A rien, sauf à constater que sa perversité ne se limite pas l'intimité et déborde également sur le plan professionnel. Il en rajoute encore, ce n'est jamais assez pour lui, surtout quand il n'arrive pas à voir si ses propos deviennent douloureux ou non pour la personne qui doit les subir. Tout ce que Lisbeth voudrait faire, quand Theodore lui parle de sa sœur, c'est sourire. Ses plaisirs sont simples. La femme s'amuse de savoir ce qui échappe encore à l'homme qui a des yeux et une emprise sur presque tout Clifton et ses habitants. Mais elle ne prendra jamais ce risque inutile. Heureusement que Mina joue trop bien le dégoût et Lisbeth l'indifférence. « Si Mina pensait me voir, alors elle me verra. » Qu'elle commence. « Comme ça, tu n'auras pas à avoir cette discussion gênante avec ta sœur, sur ma grossièreté et mon désir de voir que je te plais. » Sauf s'il arrive à se ressaisir, tout ce flegme ne fera que le rendre plus odieux et c'est la réaction à laquelle Lisbeth se prépare. La femme se penche un peu plus vers l'homme, elle prend le risque de déranger quelques mèches de ses cheveux en y passant les doigts. « Mais si tu préfères que je ne sois pas là, je comprendrais. Je ne veux surtout pas vous déranger. » Ajoute-elle sans trop espérer que toute sa sérénité sera contagieuse et que Theodore fera, finalement, le choix judicieux de lui foutre la paix. Alors elle préfère se lever, après avoir embrassé la pommette de l'homme d'affaire, et ramasser les couverts. Sa fuite ressemble à une ménagère soucieuse de la bonne tenue de son foyer. Mais ce rôle n'est pas celui attribué à Lisbeth et à coup sûr, cette action sera remarquée.

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